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20 février 2013

Cette école à deux rythmes






Publié sur Friture Mag dans la Chronique Bancs Publics Cette école à deux rythmes.

Jusqu’ici, je n’arrivais pas totalement à définir le malaise que je ressentais dans cette réforme de l’Ecole. Et puis la semaine dernière j’ai trouvé ce dépliant dans mon casier. Un dépliant fourni par le ministère destiné à informer les familles dont voici l’intitulé : « Réforme des rythmes à l’école primaire. Favoriser la réussite scolaire de tous les élèves. » Un petit laïus de quelques lignes fait guise d’introduction et présente cette réforme avec tellement de beaux termes mélioratifs - du respect par ci, de l’épanouissement par là - qu’il en dégage un soupçon de propagande.La lecture de ce document m’a donné froid dans le dos et a libéré un taux plus qu’important d’adrénaline. 

« Français ne vous inquiétez pas, nous avons sauvé l’école. »

Ils ne savent plus comment la vendre cette dite refondation.
On s’attendait à une révolution ambitieuse, novatrice et la fin des concertations a accouché d’une réformette des rythmes, de postes rétablis et le retour de formation des professeurs.
Réintégrer une partie de ce que nous avons perdu les cinq dernières années, ce n’est pas ce que j’appelle une refondation, mais plutôt.... une compresse de gaze.
Et puis... On le sait bien, une compresse de gaze c’est truffé de bactéries. Le débat sur les rythmes engendre une épidémie qui se diffuse et infecte les salles de maîtres et toute la communauté éducative. Le sage insiste-t-il pour qu’on regarde le doigt plutôt que la lune ?

L’école est malade, elle a un symptôme majeur, les inégalités qu’elle creuse, ou qu’elle ne réduit pas. Il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour lire que « les symptômes sont les caractéristiques d’une ou plusieurs maladies. »
Les rythmes correspondent à une pathologie, mais à en croire nombre de sociologues et chercheurs, le manque de mixité scolaire, la concurrence entre les écoles et le système sélectif en sont d’autres.

« Il est dans une bonne école le tien ? »

La bonne école, celle de la réussite et la mauvaise école, celle de la difficulté... C’est beau... On dirait une phrase tirée d’un roman mélo-dramatique qui s’appellerait « On te donne l’égalité des chances, tu vas pas pleurer Pénélope ».
C’est un peu plus compliqué que ça.
Commençons d’abord par quelques témoignages.

J’ai été surprise l’année dernière de voir une maman me demander si je suivais les programmes vu que l’école est en ZEP. Il manquerait plus qu’il y ait des programmes ZEP...
Mais j’ai surtout été troublée de voir cette petite fille qui avait le niveau demandé pour sa classe d’âge et qui lorsqu’elle a changé d’école en cours d’année, a été maintenue. Elle n’avait certainement pas un « bon » niveau, pas au regard des programmes mais par rapport au reste de la classe.
Elle est sûrement tombée dans une de ces « bonnes écoles » et a dû faire tâche parmi les autres élèves poussés par leurs parents (et libre à eux), qui ont compris et intégré les rouages du système scolaire sélectif qui les attend plus tard. Manque d’harmonie...

« Tu l’as bien mérité ! »

Je me questionne alors sur les réelles missions de l’École.
Accélérer l’ascenseur social de ceux qui ont déjà tout ? Ou avancer tous ensemble ?
Quel sens met-on derrière le mot « réussite » ? Écraser les autres au nom du mérite ?
Dans les feux-IUFM, on insistait sur le conflit socio-cognitif, cette confrontation entre plusieurs élèves pour apprendre ensemble. Seulement si on se confronte dans l’entre-soi, on n’avance pas bien vite, ou en tout cas pas assez vite par rapport aux exigences de cette Ecole.
Tout dépend de l’entre-soi dans lequel on est né...

Dans ma « mauvaise école », la difficulté est rassemblée, c’est par conséquent plus laborieux d’accompagner dix petits plutôt que deux ou trois.
Dans ma mauvaise école, il nous manque cette mixité et cette stimulation que pourraient nous apporter ces élèves qui ont les moyens d’être dopés à la maison.
Dans ma mauvaise école, un enfant qui arrive déjà outillé ne régresse pas. Il apprend à son rythme lui aussi. Et je ne m’inquiète pas pour son avenir.

Alors plutôt qu’essayer de donner plus à ceux qui ont le moins, pourquoi ne pas mixer un peu tout ça ? Tout le monde y trouverait son compte.

A quand la refondation de l’École ?


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