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2 février 2013

Une classe hétéro quoi ?....


 
 


Publié sur Friture Mag dans la Chronique Bancs Publics Une classe hétéro quoi ?....

Une classe hétérogène.
Dans le jargon c’est la différence des niveaux et des rythmes d’acquisition dans les apprentissages.
Jusqu’ici tout va bien. Toutes les classes sont hétérogènes. Et un des défis de ce métier consiste à adapter les situations d’apprentissages à ces différences et à pratiquer un autre jargonnage appelé la pédagogie différenciée.
Voyons de plus près en quoi consiste cette pratique.
 
Ma compagnie

Laissez-moi tout d’abord vous mettre dans le bain en vous introduisant brièvement à ma petite compagnie.
Enseignante en zone d’éducation prioritaire, l’effectif de la classe est réduit à 19 élèves. 19, mais pas des moindres.
Chacun dans sa différence et dans sa richesse amène un côté plus que vivant à la classe.
Permettez-moi de vous en présenter quelques-uns.

Princesse aime le rôôôôse !! C’est celle qui passe ses journées à admirer ces stylos paillettes et qui écrit chaque lettre de la date avec une couleur différente.
C’est la copine d’Elastic-girl.
Elastic-girl est d’une souplesse incontournable !! En deux temps trois mouvements elle arrive à se retrouver dans des positions inconnues du Kama Sutra (Je ne suis pas allée vérifier). Tête écrasée sur le sol, une jambe sur la table, l’autre en l’air, une main qui s’agrippe à la chaise, l’autre sortant de son cartable son cahier de poésie. Aaaaaaah si j’avais eu un polaroïd...

Ensuite il y a La Flèche (qui fait office de Mc Gyver aussi). Je vous laisse deviner, il sait saisir quelques secondes de flottement pour se lever, s’asseoir, se relever, s’accroupir sous la table pour retourner son casier et se rasseoir en bidouillant minutieusement toupies, vis, gomme,...

Puis, il y a Championne, celle qui a fini son travail quand Princesse est en train d’hésiter entre le rose fushia ou le rose bonbon pour écrire le J de Jeudi.
Maladroit, lui, s’arrange à tomber de sa chaise tous les quarts d’heure.
Le Coq, parce qu’il a les yeux clairs s’offre le privilège de faire ce qu’il veut. (Je me laisse amadouer aussi...)
Aquarelle, on n’entend jamais, voire pas assez, elle m’impressionne quant à la précision de ses dessins.
Pendant qu’Electron Libre se promène au milieu de cette joyeuse compagnie.
Je ne vous parle pas de Fayot, vous le connaissez.

Et la pédagogie dans tout ça ?


Vous allez me dire, je n’ai pas encore parlé de pédagogie différenciée. C’est vrai.
Mais c’est lié.
Ces élèves ne sont pas disponibles.
Raccourcir les journées de 45 minutes ? Pourquoi pas. Ça ne réglera pas le problème du 25 carré dans lequel ils vivent avec leur famille sans table pour manger, ça ne les sortira pas de la misère dont ils sont témoins et qui est le seul avenir qu’ils se représentent. Aller à l’école ? Ça sert à quoi ?...

Dans les écoles où la non-disponibilité de la moitié des élèves s’impose, comment parvenir à aider à la fois celui qui ne connaît pas l’alphabet, celui qui ne sait pas lire, celui qui commence à lire mais qui doit pratiquer, celui qui n’a pas compris la notion abordée tout en « donnant à manger » à celui qui a tout pigé... le tout sans faire de l’occupationnel et sans en laisser sur le carreau ?
En théorie, la différenciation, ça ne tombe pas du ciel, ça se prépare. En pratique, je parlerais plutôt de devoir d’ubiquité.

Il me vient alors à l’esprit une aide parmi d’autres presque désuète, les RASED. Ces enseignants et psychologues spécialisés qui complétaient l’aide personnalisée du maître ou de la maîtresse de la classe. Ils apportaient une aide spécialisée aux élèves en grande difficulté pour travailler individuellement sur le « métier d’élève », sur le dépassement de leurs difficultés, dans le but d’impulser le désir d’apprendre.
Sommairement, des coachs en développement personnel.
C’était une prise en charge qui donnait des résultats.

Aujourd’hui la baisse de moyens engage ce personnel à jongler sur plusieurs écoles et à établir des priorités sur les besoins. Au final il ne peut intervenir que sur quelques élèves et sur un temps très court.
Une belle perspective de « réussite pour tous »...
 


 


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