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20 mars 2013

Les gens le disent



Bien que j'apprécie vivement confronter ma perception du monde à d'autres qui sont tout aussi différentes et enrichissantes, je me trouve toujours un peu frustrée lorsque le seul argument qu'on me propose est un préjugé qui sort d'on ne sait où... 

"On leur a trop donné"


"Les immigrés, on leur a trop donné. Et puis, ils connaissent les combines pour se faire de l'argent facile et profiter du système". 
Je dirais plutôt, pour survivre dans ce système qui les sodomise... mais bon chacun son point de vue.
Quoiqu'il en soit, je me pose toujours la même question: 
Quelles sont les sources pour affirmer de telles conclusions ?
La réponse est souvent la même :
"Beiiin.... les gens le disent".



  Les gens le disent!! Oui c'est vrai, mais qui sont ces gens qui reviennent dans toutes les conversations et que tout le monde semble connaître?

Quelles sont leurs sources?
Est-ce les gens qui changent de trottoir lorsqu'ils aperçoivent un étranger?
Est-ce ceux qui n'ont pas la curiosité de savoir si derrière le mot « immigré » il n'y a pas tout simplement un être humain?
Est-ce ceux qui n’essaient pas de comprendre les raisons de l'immigration?
Est-ce ceux qui écoutent les messages véhiculés par les médias dominants ou par certains politiciens qui voudraient que la cause de tous les problèmes sociétaux vienne des immigrés?

Quoiqu'il en soit, soyons vigilants au « les gens le disent », essayons plutôt de penser par soi-même, se poser les bonnes questions et comprendre ce qui gène chez les immigrés : la peur de l'inconnu et le syndrome du bouc-émissaire.

Rappelons tout de même, qu'une grosse vague d'immigration a eu lieu après la seconde guerre mondiale, non pas parce que ces familles voulaient quitter leur entourage par plaisir, mais parce qu'en temps de guerre, notamment en Algérie, la France a promis la ruée vers l'or en échange de main d’œuvre pour reconstruire le pays. Puis, des enfants sont nés sur ce territoire, ont fait une nouvelle génération, installée, prête à tout pour s'intégrer dans cette vie qui semble être meilleure que celle du « pays ».

Seulement ces inconnus, ils sont bizarres... ils n'ont pas les mêmes coutumes que nous, parfaits français, ils boivent du thé à toute heure (n'importe quoi!!), ils écoutent de la musique de zoulous, ils se couchent sur des tapis pour prier leur Dieu, ils font construire des lieux de culte et Ôôô drame, ils ne consomment ni saucisson, ni pinard !! Sacrilège !
"Si vous ajoutez à cela, le bruit et l'odeur"...

Et si on en faisait des boucs-émissaires ? 
La crise ? C'est de leur faute !! Le chômage ? C'est de leur faute ! La violence ? C'est de leur faute ! Le trou de la sécu ? C'est de leur faute !! Depardieu ? C'est de leur faute... 
Mais surtout ne remettons pas en question un système qui préfère la logique des marchés financiers, quitte à réduire les dépenses sociales...

Outre leurs différences non acceptées, intéressons-nous à leurs conditions de vie, qui se résument parfois à celles de la cité.

"Ça craint!"


Dans la peur de l'inconnu, on retrouve souvent la peur des cités. "Bagatelle, Le Mirail, Les Izards, [NDLB : des quartiers de banlieue toulousaine] ? Ça craiiiint!!"

La première question qui me vient à l'esprit c'est : Tu connais? T'y es déjà allé? 
Puis vient la deuxième: Ça veut dire quoi "ça craint"?
Ça craint, parce qu'il y a du monde qui traîne dans le quartier?
Ça craint, parce qu'on le dit à la télé?
Ça craint, parce que les gens le disent ?
Ça craint, parce qu'on ne se sent pas en sécurité ?
Qu'est-ce qui te fait dire qu'on n'est pas en sécurité ?


Oui la cité va mal, oui la cité ça craint ! Pour ceux qui y vivent.
J'avoue que je ne sais pas comment je vivrais le fait d'être parquée dans une tour, à vivre les uns sur les autres, sans boulot, sans ou avec peu de lieux publics pour se rassembler, à s'emmerder à longueur de journée parce qu'il n'y a même pas un ciné, (et puis de toute façon le ciné c'est trop cher), à n'avoir rien d'autre à faire que jouer au foot sur le bitume et surtout à être montré du doigt.

Oui la cité, ça craint pour ces enfants qui n'ont pas d'avenir car l'Education Nationale ne leur ouvre pas les portes du savoir, de la réussite et de l’émancipation.

Oui la cité, ça craint. Elle accumule, le rejet, l’incompréhension, la non reconnaissance, la haine des autres et de soi-même. Et au bout d'un moment, la cité ça pète. La cité, ça exprime la souffrance que la société lui fait endurer, ça rend cette violence subie.



 Et là, les médias sont toujours là, pour ne pas rater une minute de cette violence. Du sensationnel, ça plaît! Ça fait peur aussi...
Des images qui agissent sur l'inconscient, qui appuient l'idée que lorsqu’on pense "cité", on pense « voitures brûlées », « émeutes », « violence ».

Des clichés qui font oublier que lorsqu'il ne se passe rien, c'est à dire la plupart du temps, les médias ne disent plus rien. Mais on s'en fout, on garde en tête ces représentations de révolte violente, manquerait plus qu'on change d'avis tous les quatre matins.

Et puis, tiens tant que c'est d'actualité en ce moment, Mohamed Merah a grandi à la cité.
"Alors la preuve!".

"Merah était un monstre"

Loin de moi l'idée de vouloir justifier et pardonner les actes de Mohamed Merah que je qualifierais en effet de monstrueux, mais je dirais plutôt qu'il n'était pas né « monstre » mais devenu un monstre crée par la société, c'est le résultat d'une succession de dysfonctionnements.

Carence éducative et parentale, déscolarisation, aucun repère, un enfant en souffrance devenu fragile et influençable, mal dans sa peau, repéré comme dangereux par les psys qui préconisaient un accompagnement éducatif, un suivi psychologique et une surveillance policière.

Première faille dans le système : les spécialistes n'ont pas été écoutés. L'accompagnement éducatif et le suivi psychologique n'ont pas été appliqués, aucun structure ne l'a pris en charge.
(Qui est le monstre ici?)

Deuxième faille du système : la surveillance policière n'aurait pas été appliquée en bonne et due forme.

Alors ne soyons pas surpris, on a ici un bel exemple de comment, en deux temps trois mouvements, une société peut fabriquer des monstres qu'elle finira elle-même par éliminer.

Plutôt que dénoncer et réprimer ce type d'actes, pourquoi ne pas avant tout dénoncer et prévenir ce type de parcours ? Une telle descente aux enfers ne devrait tout simplement arriver.

En tant qu'enseignante, je suis témoin de ces failles du système dans lequel la déscolarisation semble être la seule réponse adaptée. Alors c'est sûr qu'au moins à l'école, quand on déscolarise ce type de gamin, on est tranquille, on est débarrassés !! Ouf ! Mais c'est la rue qui les récupère, car il n'existe pas suffisamment de structures d'aides et d'accueil adaptées pour ces enfants en souffrance. Et la rue, « les gens disent que »  « ça craint ». Et cette fois-ci, je suis d'accord avec les gens...

Passons d'ailleurs aux préjugés sur les écoles en ZEP.

"La ZEP c'est chaud!"

Nombreux sont les remplaçants, les stagiaires, les intervenants de passages dans l'école où j'enseigne qui disent, stupéfaits : « Finalement, c'est pas si terrible que ça ici. »

Encore une idée préconçue sur ce qu'on ne connaît pas. On entend parfois dire que les ZEP c'est chaud, que les profs se prennent des chaises à la figure,etc. C'est un peu comme l'image qu'on peut se faire des cités, c'est à dire que oui, ça peut arriver, mais c'est loin d'être quotidien, ça dépend des années, (ou pas), il n'y a rien de régulier ou en tout cas rien pour tirer des conclusions et cristalliser sur cette idée de violence en ZEP.

Ce qui est chaud en ZEP, c'est l'accumulation de difficulté scolaire à gérer en classe avec les moyens qu'on nous donne. Ça c'est chaud !

Mais ma ZEP, je l'aime, elle me donne une richesse et une expérience humaine fascinante qui ouvre à la curiosité de l'Autre, pour mieux le comprendre en vue de mieux Vivre Ensemble.








1 commentaire:

  1. d'accord avec toi dans son ensemble.il me semble juste que dans le paragraphe merah tu ne regardes qu'une facette du problème.sinon au niveau ressenti j'ai plus vibrer sur ton texte sur la femme.

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