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24 mars 2013

Le masculin l'emporte

 



 Publié sur Friture Mag dans la Chronique Bancs Publics Le masculin l'emporte

Ah... arrive l’exquis moment en grammaire où on aborde les pronoms et les accords. Pourquoi remplace-t-on « La voisine et le voisin » par le pronom masculin « ils » ? Et pourquoi un adjectif qui se rapporte à plusieurs noms s’accorde-t-il au masculin ? Le moment pour moi de marmonner, de rougir, de sentir une légère colère avant d’affirmer haut et fort : « Parce que le masculin l’emporte ! »
 
En 2011, des associations féministes s’indignaient contre cette règle et réclamaient le retour à la règle de proximité disparue au XVIIeme siècle : « un adjectif qui se rapporte à plusieurs noms s’accorde avec le nom le plus proche », ce qui donnerait : « le pantalon et la chemise sont vertes. » Mouais...

A cette époque, un grammairien, le Père Dominique Bouhours, avait décrété que lorsque deux genres se rencontrent, le plus noble doit l’emporter, idée renforcée à peine deux cents ans plus tard, par un autre grammairien, Nicolas Beauzée : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »

Certes ces messieurs ne manquaient pas d’audace, mais plutôt que titiller sur la grammaire, pardonnons à nos aïeux leur manque d’illumination à ce sujet et regardons où nous en sommes aujourd’hui.

Le cerveau a-t-il un sexe ?

Dans ses recherches, la neurobiologiste Catherine Vidal tente de briser les idées reçues et les stéréotypes sur la différence entre les hommes et les femmes. Elle a cherché à prouver scientifiquement que les différences biologiques ne déterminent pas une personnalité, une aptitude dans tel ou tel domaine et par extension un rôle social.

En 1990, une étude américaine montrait que les garçons étaient plus fort en maths. En 2008, les filles et les garçons avaient le même niveau. L’espèce féminine aurait-elle évolué en un temps record ? Et bien non. Grâce aux nouvelles techniques d’imagerie cérébrale comme l’IRM, Catherine Vidal a pu démontrer que nous avons une plasticité cérébrale, un épaississement de certaines régions du cerveau en fonction du nombre de connexions entre les neurones. Que l’on naisse fille ou garçon, cette connexion se fait de le même façon.
La différence des capacités intellectuelles et cognitives (apprentissage, mémoire, attention, perception,...) dépasse la différence de sexe et la diversité de cerveaux dépend de chaque individu selon l’expérience, l’environnement, l’éducation.
Par exemple, les cerveaux de deux pianistes se ressembleront car les régions qui contrôlent cet apprentissage sont plus épaisses.
Et bien c’est pareil pour les maths.
Les petits garçons se voient offrir des jeux de construction, des caisses à outils, ainsi les capacités liées à ces activités (créativité, logique,...) vont se développer et feront de lui une personne forte en maths.
Là où les petites filles, se verront offrir des poupées et des jouets qui restent dans le domaine de la sphère privée, à l’intérieur, elles auront tendance à bavarder et développeront plutôt des capacités pour le langage. Par conséquent, la différence de niveau en maths entre 1990 et 2008 est certainement due à une stimulation identique donnée aux petites filles et aux petits garçons durant cette période.

Catherine Vidal ajoute aussi que rien n’est figé.
Si le cerveau n’est plus stimulé, l’épaississement se réduira et à contrario, si on le stimule, de nouvelles capacités se développeront.

Que retenir de tout ça ?

A en croire ces études, rien n’est inné, tout s’acquiert selon l’expérience. Dans le cadre de l’enseignement, ces résultats prouvent bien que les filles et les garçons sont capables de développer les mêmes aptitudes. Mais au delà du sexe, et je pense aux élèves en difficulté, il n’est jamais trop tard pour apprendre dans quelque domaine que ce soit, et croire que rien n’est irréversible semble être une erreur.

Un bel éclairage pour remotiver les élèves dont l’estime de soi a été diminuée.

1 commentaire:

  1. Extrêmement intéressant, qui soulève d'autres questions un peu HS mais peut-être un peu importantes si on cherche vraiment la cause des causes :

    se pourrait-il que le langage tel qu'il a été conçu participe à être toujours plus éloigné de la "vérité", de cette certaine communication "fédératrice", de cette faculté qui nous permettrait de devenir réellement intelligent collectivement, d'être "extelligent" ?

    Quelque part ne pourrait-on pas se demander si le seul moyen de communication qu'il nous reste, celui qui nous est présenté comme le seul, l'unique, le plus abouti, ne soit guère satisfaisant, not efficient at all, no comprendo senior si ?

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